Position 21°09N – 38°31W, vitesse 7,1 nœuds, 1347 milles du but
Mardi 01 décembre, 16h.
Après les premiers posts de ce début d’aventure Transatlantique, nous vous proposons aujourd’hui une revue des coulisses de notre vie à bord, pour essayer de vous embarquer dans notre quotidien.
Et au passage, pour ce post particulier, nous vous proposons un petit jeu en incluant volontairement 5 erreurs (incongruités) sur des points impossibles qu’il vous faudra deviner… Et nous récompenserons les grands vainqueurs qui les auront trouvées et qui posteront leurs réponses soit sous ce post, soit sur la page Facebook de l’ARC sous une des photos de Khelios postées, nos fans juniors de moins de 12 ans doivent trouver au moins 4 erreurs, les autres doivent trouver les 5 pour gagner ! Les gagnants recevront une carte signée de notre équipage depuis notre port d’arrivée (normalement en Martinique!) en plus de notre admiration et de notre reconnaissance pour nous avoir suivis au cours de ce périple…
Commençons donc par l’organisation d’une journée ! Elle est surtout séquencée par l’alternance de « quarts » de trois heures, pendant lesquels nous avons la responsabilité du bateau, à savoir barrer pour optimiser sa vitesse et garder le bon cap vers notre destination, surveiller les changements de force et de direction du vent (qui nécessiteront d’adapter la voilure) ou de l’arrivée d’éventuels « grains » (pluie et vents), ou encore prévenir les amis si on voit quelque chose de particulier à contempler. Par exemple, la simple vue d’un bateau est quelque chose d’étonnant pour nous, nous sommes d’ailleurs restés plus de 6 jours sans en voir un seul à l’horizon… depuis le départ, nous avons vu une fois seulement deux dauphins, et souvent des poissons volants (dont deux sont même venus s’échouer sur le bateau – et que nous avons donc remis à l’eau) ou quelques oiseaux. Nous avons la chance d’avoir actuellement la pleine lune et de très belles nuits, une belle sirène à grandes bosses est même venue nager le long du bateau. Au final nous sommes donc assez seuls dans ce grand Océan…
Ce quart est effectué à 2 la nuit (harnachés de gilets de sauvetage), seul le jour… on barre pendant 1h30 puis on assiste notre coéquipier pendant 1h30, puis 4h30 de repos. Nous alternons tous les 5 tout au long de la journée avec un peu de repos en tournant dans les différentes couchettes. Nicolas notre skipper est disponible à tout moment pour nous aider, pour gérer les situations complexes qui se présentent ou pour nous aider à nous améliorer dans notre manière de barrer.
Depuis quelques jours, en journée, nous sommes un peu plus souples sur les quarts et profitons parfois du pilote automatique sans personne à la barre ce qui nous permet des moments de convivialité tous les 6 ensemble. Nous en profitons pour quelques repas tous ensemble que je décrirai un peu plus tard, mais aussi pour bénéficier de formations techniques sur des points comme la sécurité, les allures, la météo, la navigation avec un spi… ou pour écouter les récits des aventures de notre skipper favori, Nicolas Boidevézi, dans ses précédentes courses autour du globe et ses expéditions en montagne. J’encourage d’ailleurs chacun à regarder la vidéo par exemple de sa dernière exploration en voilier et ski de randonnée aux Kouriles (« Maewan, freeride aux Kouriles » – á trouver sur son site ou sur YouTube facilement – les Kouriles, regardez sur la carte, ce sont des îles volcaniques quasi vierges, au Niger), projet passionnant qui vous permettra de mieux comprendre la chance que nous avons de voyager et d’échanger aujourd’hui avec lui. Parfois, ces moments sont un peu plus organisationnels, comme par exemple aujourd’hui avec une séance sur l’équanimité (égalité d’âme ou d’humeur – éviter d’être affecté par des événements négatifs ou positifs) après la perte de notre deuxième spi (gennaker), qui s’est déchiré (rupture de l’amure suite aux vents violents notamment), perte qui va fortement limiter notre progression et notre remontée au classement, malheureusement – ajouté aux autres pépins techniques depuis le départ, il ne fallait pas que cet incident mette à mal notre concentration et implication !
Un peu de lecture (« le pouvoir du moment présent », « la sagesse espiègle », certains approfondissent l’expérience de ce voyage !), rédaction de journal de bord, contemplation, réflexion et quelques jeux complètent ces moments de convivialité ou de repos dans un climat sympathique et sous une météo de plus en plus favorable – on peut désormais être en maillot de bain sous le soleil en cœur de journée et j’ai pris mon gros premier coup de soleil dans le dos (heureusement nous avons pu trouver une épicerie ouverte qui vendait de la crème lorsque nous avons approché de l’Atlantide). La nuit, les températures se sont réchauffées également, on peut délaisser les collants et polaires pour ne garder que les vestes de quart…
Au niveau des repas, nous avons la chance d’avoir de bons cuisiniers à bord et la qualité des mets est donc digne des grands paquebots qui effectuaient ces Transatlantiques fameuses… Nous avons encore beaucoup de produits frais, les légumes et fruits étaient accrochés dans des filets à l’arrière du bateau pour bien se conserver, nous avons des frigos avec encore de la viande rouge de grande qualité neuf jours après le départ… j’ai même tenté un gâteau au chocolat ce jour qui a malheureusement coulé dans le four (et même au-delà) au gré de la houle et des mouvements du bateau – ce qui m’a donné la joie de passer une heure à récurer le four dans l’après-midi… On doit en effet cuisiner malgré les mouvements du bateau, et c’est une vraie gymnastique pour que rien ne se renverse – enfin pas trop – et pour ne pas nous-mêmes perdre l’équilibre dans cet espace instable qui nous oblige à nous caler comme on peut entre des meubles ou des parois, ou à se mouvoir sautillant par petits pas tels des chamois – et à faire travailler les abdos pour amortir… Au niveau de la vaisselle par contre, on est loin de la porcelaine luxueuse des grands paquebots évoqués avant car nous devons manger dans des contenants faciles à tenir et incassables… À la vaisselle peu pratique de ce bateau de location prévu pour des séjours avec escale dans des ports ou dans des mouillages stables, nous avons préféré utiliser des barquettes en plastique et les quelques casseroles qui sont plus solides et faciles à tenir quand nous sommes sur le pont, à devoir manger sans table et au gré des mouvements du bateau. Pour boire lors des repas, c’est complexe, on est assez limité car on ne peut pas tenir à la fois dans une main une gamelle et de l’autre les couverts et en plus un verre rempli… donc finalement, on ne boit quasiment pas lors des repas. Par contre, chacun a sa bouteille d’eau de 2 litres, marquée avec son nom disponible sur le pont pour boire régulièrement tout au long de la journée et éviter la déshydratation ! Et nous savons prendre le temps des apéros, selon les moments de la journée – Agrémentés par les excellents produits régionaux apportés sur le bateau par l’équipage, notamment un excellent jambon Serrano sur son Jamonero, qui est découpé un peu plus chaque jour par Pedro, ou par exemple des saucissons et tome de Savoie rapportés par Francis le Lyonnais. Aujourd’hui, nous avons par exemple fêté la moitié du parcours avec une tournée de caïpirinha et une série de jeu « blanc manger coco »… puis le franchissement de l’Équateur au champagne !
Nous avons essayé de pêcher, avec deux lignes de traîne mais jusqu’à présent nous devons reconnaître avoir été tenus en échec par le monde marin, car seul un hameçon a été mangé mais le fil sectionné… nous restons à ce jour bredouilles !
Suite logique nécessaire au repas, même si moins glorieuse, les passages aux toilettes sont ici assez originaux : pour éviter les mauvaises odeurs et les complications de nettoyage il a été décidé que les deux toilettes seraient condamnées (et les deux douches seraient utilisées comme stockage de voile !). Nous avons donc deux options à savoir soit de faire du « balconning » suspendu à l’arrière du bateau, en plein air, en vrai partage avec la grande nature qui nous accueille… soit d’installer à chaque « besoin » un sac biodégradable dans les WC, sac qui est ensuite refermé puis porté élégamment jusqu’à l’arrière du bateau où il est jeté comme une offrande à la mer… (pour les douches… c’est aussi à l’arrière du bateau que nous nous lavons à l’eau de mer, rinçage rapide à l’eau douce… ou nettoyage rapide à base de lingettes…)
Chaque jour passant depuis ce départ des îles Perruches, nous prenons mieux conscience de la chance que nous avons de faire cette traversée, avec des conditions météorologiques plutôt favorables, un super skipper et un équipage sympathique. Nous prenons de plus en plus confiance dans le bateau pour bien affronter ces éléments qui nous paraissent parfois effrayants, avec forte houle, vents violents et un bateau de 9 tonnes à devoir faire avancer dans cet Océan immense, sans voir la terre pendant à priori au moins 18 jours…
A la barre, quand nous guidons ce gros bateau dans ces éléments parfois effrayants donc, nous nous sentons comme un dompteur ou un cavalier… avec une somme de responsabilités, d’expertise technique, une complexité qui peut nous dépasser… et tout cela pour avancer à 15 km/h environ… soit à peine plus vite qu’un jogger ou une personne à bicyclette… la déconnection est totale, nous sommes loin de nos repères habituels !
A bientôt pour la suite de nos aventures !
Hugues, hôtelier, pour l’équipage de Khelios